INTRODUCTION

Les façades du bâti ancien répondent à des logiques fonctionnelles. Les percements éclairent les pièces en fonction de leur usage. La création d’une ouverture dans une façade existante répond souvent à la volonté d’adapter la maison à des usages plus contemporains. Les constructions anciennes souvent peu percées ne répondent pas toujours à ce besoin de lumière et de confort. Créer de nouvelles ouvertures est un véritable projet qui modifie l’aspect extérieur de la maison. Cette opération délicate nécessite la connaissance de règles simples qu’il est bon de respecter.

Photo d’entête et réalisation © Anne Favry, architecte.

Comprendre l'existant

L’ensemble d’un bâtiment existant possède sa logique propre, un équilibre qu’il faut bien comprendre avant de venir y insérer de nouveaux éléments. Formes et dispositions des percements découlent des techniques de construction, des besoins et des traditions, qui constituent des typologies spécifiques. 

L’impression d’ensemble de la façade est donnée avant tout par son rapport de «pleins» et de «vides» ; l’équilibre peut aussi bien venir d’une disposition très régulière et rythmée, que d’une concentration des «vides» sur une partie, laissant tout un pan de mur aveugle. Les modes de construction imposaient des formes verticales et étroites, mais on observera également leurs proportions précises : on retrouve souvent les mêmes rapports.

Cette restauration conserve les ouvertures existantes. Les vitrages vides de clair (un seul vitrage) s’harmonisent avec le bâtiment.
Création de baies dans d’anciennes portes charretières. Les baies s’intègrent parfaitement dans les ouvertures d’origine.

On cherchera avant tout à comprendre la logique qui a prévalu à la construction concernée ?

Jeux de façades

Dans la construction d’édifice ancien, on peut distinguer deux types de logique dans l’écriture des façades.

  • La première répond aux usages :
    un percement pour rentrer, un autre pour éclairer, un troisième pour stocker. Cette logique a vu l’émergence de façades non réglées. Les percements n’occupent alors que très peu d’espaces laissant la part belle aux murs pleins, appelés trumeaux. La construction n’est pas conçue pour s’afficher, mais bien pour fonctionner. Elle répond avant tout à un besoin. Modifier le rythme d’une façade non réglée en lui conférant une régularité n’est ici pas de mise. Cette logique demeure pour autant minoritaire. On la retrouve surtout dans l’architecture des constructions rurales.
Les percements de cette façade de ferme répondent avant tout à des usages.
La façade de cette maison du vignoble est percée de manière aléatoire.
  • La deuxième répond à des logiques de composition :
    Symétrie, lignes verticales et horizontales. Ces façades réglées répondent à des logiques structurelles permettant de ne pas fragiliser la construction. Elles ont également un rôle esthétique avec le jeu d’alternance entre les pleins et les vides. Accompagnée d’un décor soigné, la façade montre le statut social du propriétaire.

Ces logiques lorsqu’elles sont intégrées dans un projet permettent d’éviter des erreurs dommageables à la maison.

Des lignes horizontales et verticales composent la façade de cette maison de bourg.
Deux portes axées pour une trame étroite de maison de ville.

L’ordonnancement des façades devra être conservé et parfois reconstitué. Si on doit créer des nouvelles ouvertures, celles-ci devront respecter l’existant.

Symétrie et lignes horizontales et verticales composent la façade de cette maison bourgeoise.
Le pignon obéit à la même logique d’axialité.
La création des ouvertures verticales rythment la façade du bâtiment. La couleur rouge accentue cet effet de trame régulière. © Linéa architectes

Les qualités de
la menuiserie bois :

  • liberté de composition,
  • section des profils réduite,
  • excellent isolant thermique,
  • possibilité de coloration variée,
  • économique,
  • adaptable,
  • réparable,
  • durable.

Quelques principes simples à respecter

  1. Une bonne analyse du bâtiment existant est un préalable incontournable.
  2. Les façades non réglées garderont cette logique, l’ouverture projetée ne doit pas essayer de créer une composition.
  3. Avec les façades composées, l’organisation générale devra être respectée. Les façades sont rythmées par un nombre d’axes verticaux et horizontaux qui créent un ensemble ordonnancé.
  4. Le bâti ancien est composé par des ouvertures aux proportions verticales. Les façades des maisons et principalement la façade rue devront impérativement garder cette verticalité.
  5. Les proportions des nouvelles fenêtres devront reprendre celles existantes (plus hautes que larges).
  6. Pour les menuiseries, on privilégiera le matériau bois, qui se marie parfaitement aux constructions anciennes. L’aluminium et l’acier seront également utilisés, mais sont plus adaptés aux esthétiques contemporaines.
  7. On s’interdira d’utiliser le PVC qui dénature le caractère de la maison.
  8. Les encadrements des fenêtres et portes (souvent en pierre ou en brique) seront réalisés en conformité avec l’existant. On s’attachera à bien choisir les matériaux recomposant l’ouverture (couleur, aspect, joint). Les matériaux de récupération (issus de démolition) seront souvent le plus adaptés. Le respect des matériaux d’origine pour la maçonnerie ainsi que le soin de la mise en œuvre est primordial lors de la création d’ouvertures.
  9. Les façades arrière ou jardins pourront plus facilement accueillir des ouvertures de grandes tailles.
© Anne Favry architecte

Les grandes ouvertures contemporaines, sur le bâti à dominante rurale, quand elles sont bien intégrées, peuvent proposer des cadres sur le paysage environnant. Elles permettent une relation entre intérieur et extérieur de la maison.

Dans le cas particulier d’une grange dont l’usage serait transformé en pièce à vivre, la porte charretière pourra être transformée en baie vitrée occultée par exemple par des claustras bois. Mais attention, la baie ne devra en aucun cas modifier les proportions originelles de ce percement.

Les grandes ouvertures contemporaines

Un exercice difficile consiste à traiter les grands percements, traces d’un usage agricole révolu. S’ils représentent une opportunité de répondre à un désir de lumière et d’ouverture sur l’extérieur, il faut néanmoins veiller à leur composition et à leur dessin. Ces ouvertures, existantes ou à créer, doivent se composer avec le bâtiment. Conçues dans un souci de cohérence par rapport à l’existant, elles contribuent fortement à la qualité architecturale du bâtiment. Le dessin de la nouvelle menuiserie est primordial. On pourra soit :

  • trouver de grands vitrages vides de clair.
  • alterner des parties vitrées et des parties pleines (avec des remplissages, bois par exemple).
  • composer la baie par des partitions plus ou moins savantes.
Exemples de grands percements retravaillés de façon contemporaine tout en conservant la forme initiale
La fenêtre cadre le paysage environnant.
Ouvertures contemporaines sur le pignon à Nort-sur-Erdre. © Anne Favry architecte
Exemple d’une fenêtre double au rez-de-chaussée, une réponse possible à l’apport de lumière.

Il faut éviter les solutions standardisées qui ne s’adaptent pas à ces cas de figure particuliers.

Adaptation des percements existants

  • Créer une fenêtre à partir d’une porte existante : on pourra le faire si et seulement si on utilise le même matériau et la même mise en œuvre (matériau, finition, couleur…) pour le remplissage de l’allège et si on n’élargit pas la fenêtre. On gardera les traces de l’ancienne porte si celle-ci comportait des pierres ou briques d’encadrement.
  • Créer une porte à partir d’une fenêtre existante : oui, mais toujours en gardant la proportion verticale de l’ouverture (ne pas élargir l’ouverture existante qui perdrait l’écriture souvent présente d’un encadrement de baie travaillé)
  • Boucher une ouverture : on évitera le plus possible de boucher une fenêtre, car on contrarie le rythme et la composition générale existante. Si c’est inévitable, on créera un remplissage avec le matériau présent dans la maçonnerie plutôt qu’un parpaing inadéquat. On gardera les encadrements en pierres ou briques plutôt que de les masquer par un enduit.
  • Doubler une fenêtre existante : on préférera cette solution afin de créer une ouverture plus grande (surtout sur les façades côtés rues) que de créer une ouverture aux proportions inadéquates (plus large que haute). Dans la majeure partie des cas, la proportion verticale reste la plus adaptée pour les maisons anciennes. 
  • Aligner les ouvertures : en effet, les nouvelles ouvertures viendront s’aligner naturellement sur les linteaux et appuis des fenêtres existantes. On reproduira l’encadrement existant à l’identique dans une logique d’harmonisation. Souvent à cause des raccords d’enduit, on sera dans l’obligation de ravaler la façade dans sa globalité (cf. fiche technique n° 3).
  • Reprendre le dessin de la menuiserie de la fenêtre existante pour celle créée : cela dépend, si les ouvertures existantes sont découpées en petits carreaux, la fenêtre créée reprendra la même esthétique. Si l’ensemble des menuiseries doit être remplacé, le vitrage vide de clair (un seul vitrage) ou à deux battants pourra répondre parfaitement au projet.
Boucher une ouverture. On observe le «fantôme» de l’ouverture. La pierre joue ici parfaitement son rôle dans le rebouchage de la baie.

Ce qui a été fait

L’ouverture du rez-de-chaussée plus large que haute défigure la façade de la maison. L’emploi du PVC pour les menuiseries nuit à la façade.
Les modénatures ont été conservées, mais le choix de la menuiserie dénature la façade. Le remplissage béton pour accueillir la nouvelle menuiserie nie l’ouverture d’origine.

Ce que l’on aurait pu faire

Les façades anciennes obéissent à des compositions. On évitera donc d’élargir les ouvertures existantes. (il vaut mieux créer une nouvelle fenêtre identique qu’en élargir une).
Ici la menuiserie épouse l’ouverture et propose un dessin plus en adéquation avec la maison.

Les ouvertures, les erreurs à ne pas commettre

Quel que soit le type de maison, la plupart des façades répondent à des logiques. Symétrie, lignes verticales et horizontales sont les grands principes utilisés dans les compostions. Ces logiques lorsqu’elles sont intégrées dans un projet permettent d’éviter des erreurs dommageables à la maison. Les exemples à suivre présentent des erreurs que l’on retrouve fréquemment lorsqu’il s’agit de modifier une façade ou d’éclairer des combles. Ces erreurs sont dommageables au patrimoine et amoindrissent sa valeur.

Une bonne analyse du bâtiment existant (qualités, faiblesses, logique de composition) est un préalable incontournable.

Les ouvertures modifiées, l’emploi du PVC et de l’enduit-ciment sur cette ferme manoir ont appauvri ce patrimoine.
Le remplissage maçonné des ouvertures et l’intégration de menuiseries standardisées sont dommageables au projet.
Disparition des proportions des baies du rez-de-chaussée, enduit-ciment et placage en fausses pierres inadéquats.
L’ajout de lucarnes, plus larges que hautes sur le pan de toiture déforme la volumétrie et alourdit la composition.
Les châssis de toit, positionnés à l’aplomb sur les fenêtres du rez-de-chaussée, sont préférables aux lucarnes.
Les proportions des baies du rez-de-chaussée plus larges que hautes ainsi que les volets roulants amoindrissent l’harmonie de la façade.
La fenêtre plus large que haute, l’enduit-ciment, dénature cette façade de maison de ville.
Perte des modénatures, recouvrement des pierres, non-respect des axes de composition.
La surélévation est ici préjudiciable à la maison (effet de caisson et proportion des baies).